L’ammoniac en Bretagne, un sujet étouffé

Ammoniac, le dossier breton

Les émissions d’ammoniac dans l’air ont longtemps été considérées comme inoffensives pour la santé humaine et sans effet sur l’environnement.

Depuis plus de 20 ans toutefois, des études font ressortir que la dispersion de ce gaz et les redépositions qui en découlent demandent à être considérées en volumes émis et en effets sur la santé et l’environnement.

  • Tour d’horizon de la connaissance sur l’ammoniac

Dans une étude publiée en 2017 par l’ADEME et l’INRA, le constat est établi :

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est Mesurerlesemissionsgazeuses.png.« L‘émission de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre est une préoccupation environnementale récente pour les élevages. Pourtant, ces derniers sont des contributeurs à ces émissions bien identifiés par les inventaires nationaux d‘émissions, en particulier pour l‘ammoniac, le méthane et le protoxyde d‘azote. En France, les pertes d‘azote sous forme réactive vers l‘atmosphère sont du même ordre de grandeur que celles vers l‘eau. Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique et en vue de l‘amélioration de la qualité de l‘air, la maîtrise de ces émissions est à prendre en compte dans l‘évolution des pratiques d‘élevage (alimentation, choix des types de bâtiment, mise en place de procédés de traitement des émissions, pratiques de gestion des effluents…).
A ce jour, la mesure des émissions est encore peu démocratisée, limitant de fait le nombre de références adaptées aux contextes des élevages nationaux et utilisables pour orienter les éleveurs dans l‘évolution de leur système de production.
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ouvrir et télécharger l’étude complète (2017)
  • L’origine des émissions d’ammoniac

L’agriculture : 97,5% des émissions

« En France, l‘agriculture est la principale source d‘émission d‘ammoniac, avec une production estimée à 701 kt en 2012, soit 97,5 % des émissions totales (Citepa, 2015) dont les deux tiers sont directement imputables à la gestion des effluents d‘élevage auxquels s‘ajoute 15% lié à la production de fourrages (Peyraud et al., 2012). Les émissions d‘ammoniac ont lieu au bâtiment, lors des phases de stockage et de traitement des déjections (fumière, fosse à lisier, plateforme de compostage, tas de fumier au champ), et à l‘épandage des fertilisants azotées organiques et minéraux. » (source : page 20 et 21 de l’étude citée ci-avant).

  • Les effets sur la santé et l’environnement

asthme, allergies, maladies respiratoires ou cardiovasculaires, cancers etc.

« La principale préoccupation sanitaire concernant l‘ammoniac est son impact indirect en tant que précurseur de particules fines. Les particules fines (<2,5μm, PM2,5) sont les plus dangereuses, car elles pénètrent le plus profondément dans l‘organisme, par les voies respiratoires puis dans le sang. Elles augmenteraient la fréquence de nombreuses pathologies : asthme, allergies, maladies respiratoires ou cardiovasculaires, cancers etc. En France, l‘Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que 42 000 personnes décéderaient prématurément chaque année des effets liées aux particules fines (Ademe et MEDDTL, 2012). Une contribution importante du nitrate d‘ammonium (NH4NO3) aux pics de particules fines est souvent observée au début du printemps, lors de périodes d‘épandage d‘effluents d‘élevage et de fertilisants (Hamaoui-Laguel et al., 2014).

contribution à l’acidification des sols et fragilisation des arbres sur le long terme

La redéposition de l‘ammoniac volatilisé, principalement sous forme particulaire, participe à l‘acidification et à l‘eutrophisation des milieux. Les retombées dans les milieux aquatiques augmentent la quantité d‘azote présente et peuvent aboutir à un excès de nutriments et à une diminution de la quantité d‘oxygène disponible. Dans les milieux forestiers, l‘excès d‘azote limite la mycorhization des arbres (symbiose racine/champignon), contribue à l‘acidification de sols déjà pauvres et peut fragiliser les arbres sur le long terme (Portejoie, 2002). La plus grande part de l‘ammoniac émis se redépose dans un rayon de quelques kilomètres autour de la source d‘émission, le reste se solubilise dans l‘atmosphère et est transporté sur de grandes distances (plusieurs centaines de km, Figure III). » (source : page 22 et 23 de l’étude citée ci-avant).

  • La Bretagne, première émettrice d’ammoniac en Europe
source : DREAL Bretagne
investigation et cartographie : Collectif Bretagne contre les fermes-usines

Les chiffres mentionnés et pris en compte dans nos cartes et tableaux sont issus des déclarations annuelles des exploitants eux-même à l’administration. Il est utile de rappeler que l’auto-déclaration des émissions par les exploitants peut être décalée par rapport aux réalités (cas de pratiques de non-mises en oeuvres des prescriptions, évolution des paramètres de référence, oublis plus ou moins volontaires, …).

Dans son infolettre #5 d’avril 2022, le journal splann! confirme : « Les inventaires d’émissions, basés sur du déclaratif, ne sont pas cohérents avec les données satellitaires de la mission IASI. Un fort décalage en 2018 souligne, pour les scientifiques, « l’urgence de prendre en compte les facteurs météo ». En effet, la chaleur favorise la volatilisation de l’ammoniac. Or, il fait de plus en plus chaud, notamment lors des épandages printaniers. L’article publié dans la revue Environmental research letters se termine par une rapide étude du cas des Pays-Bas, pays d’élevage intensif souvent comparé à la Bretagne. Alors que les émissions d’ammoniac déclarées y ont baissé de 63 % depuis 1990, la concentration dans l’air de ce polluant a suivi la tendance inverse. Des efforts bien plus significatifs doivent donc être accomplis pour préserver la santé humaine comme la biodiversité. »

Le tableau des 356 élevages émetteurs de plus de 10 000 kg d’ammoniac par an

Les informations détaillées qui sont publiées ici sont toutes des informations publiques mises en ligne par les services de l’Etat. Elles ne sont pas destinées à cibler des personnes en particulier. La présentation qui en est faite vise à dénoncer le système agro-industriel et ses effets dévastateurs pour la santé humaine et l’environnement.

  • La justice recadre les services de l’Etat

Dans l’affaire du projet de construction d’un poulailler industriel à LANGOELAN, le juge administratif a cassé l’arrêté d’autorisation signé par le Préfet du Morbihan. Parmi les 2 motifs d’annulation : « l’insuffisance encore de l’étude d’impact qui ne produit aucune donnée sur les effets des émissions d’ammoniac sur les populations et les milieux environnants.« .

Cette décision pourrait ouvrir la voie vers une jurisprudence favorable à une prise en compte des émissions et des effets de l’ammoniac.

Toutes les informations de ce dossier peuvent être utilisées librement dans le but de contribuer à une agriculture paysanne, territorialisée et respectueuse de la santé humaine et du vivant.

Pour compléter, splann!, journal breton d’investigation, a publié en 2020 un dossier très complet sur l’ammoniac en Bretagne.