# 1/3 – Le nuage invisible


Alors que la Bretagne subit régulièrement des alertes à la pollution de l’air aux particules fines, l’origine principale de cette pollution reste ignorée voire camouflée aux populations touchées.

Une enquête en trois volets pour comprendre d’où vient cette pollution chronique et quels sont ses effets sur notre santé et les milieux de vie.

Volet 1 – Le nuage invisible

L’analyse des données régionales : une source d’enseignement

A partir des données publiques publiées par Air Breizh, nous avons analysé sur 5 stations les courbes des mesures de particules fines durant les années 2020 et 2021.

Jusqu’à présent les études portant sur les particules fines présentent l’origine de cette pollution comme globale et émanant indistinctement de 3 activités : le transport routier, les chauffages domestiques et l’agriculture.

L’enjeu de notre analyse est d’apporter des éléments de distinction de l’origine de la pollution aux particules fines.

Avec la période de confinement, l’année 2020 présente l’exceptionnelle occasion de distinguer l’origine des particules fines sur la Bretagne. Durant cette période, les transports routiers étaient à l’arrêt et les températures ambiantes exceptionnellement chaudes ont permis de réduire au minimum les chauffages avec chaudières ou poêles à bois. Il ne restait alors que les déjections issues des élevages agricoles comme source de pollution de l’air.

En réalisant cette étude, nous avons pu mesurer le nombre de jours où les valeurs guide de l’OMS sont dépassées sur chacune des stations. Pour les particules fines PM2.5, la moyenne journalière de 15 μg/m3 ne doit pas être dépassée plus de 3 à 4 jours par an. Quant à la moyenne annuelle pour ces mêmes particules, elle ne doit pas dépasser 5 μg/m3.



Il ressort de la comparaison des tableaux sur les deux années :

1 – Les pics de pollutions simultanés révèlent une large pollution bien au-delà des stations de mesure elles-mêmes, l’échelle de la pollution est supra-régionale.

2 – Le nombre de jours de dépassement en 2020 et spécifiquement durant la période de confinement démontre que l’activité agricole peut, à elle seule, être responsable des dépassements chroniques que l’on retrouve régulièrement en 2021 et jusqu’à aujourd’hui.

3– Les moyennes annuelles entre 2020 et 2021 sont en augmentation sur toutes les stations de mesure. Elles dépassent toutes la valeur guide de l’OMS (voir les PDF des tableaux).


A l’origine des particules fines agricoles : l’ammoniac

« L’ammoniac contribue activement à la pollution de l’air et notamment à la formation de particules. » (Air-Breizh).

C’est la rencontre de l’ammoniac NH3 (agriculture) de nature basique et des oxydes d’azote NOx (transport) et de soufre SO2 (industrie) de nature acide qui forme ainsi les nitrates et sulfates d’ammonium. En Bretagne, ces sels d’ammonium constituent plus de la moitié de l’ensemble de nos particules fines, et l’ammoniac est indispensable pour leur formation. 

extrait ci-contre document ADEME ->

« Au niveau régional, l’agriculture étant un secteur fortement développé, l’ammoniac est émis principalement par les activités agricoles (quasi 100%) bien que d’autres activités anthropiques soient émettrices de ce polluant (trafic routier, industries…).« 

Air-Breizh – Rapport « Saint-Malo (35) Campagne de caractérisation chimique des PM2,5 et suivi de l’ammoniac« .

Comment voyage l’ammoniac ?

Dans une étude portant sur les émissions gazeuses des élevages, l’INRAE a modélisé les volumes et les distances parcourues par l’azote ammoniacal : 60% jusqu’à 100 km dont 20% dans le premier kilomètre, 30% entre 100 et 1000 km et 10% au-delà de 1000 km.

infographie : Collectif Bretagne contre les fermes-usines (points rouges : zone de densité des élevages industriels)

Paradoxalement, les zones à fortes émissions situées à l’ouest ne sont pas les plus touchées par les retombées ammoniacales. Les vents dominants soufflant vers l’est propagent les particules fines formées par les gaz d’ammoniac sur de vastes territoires situés sous les vents. En Bretagne, le département de l’Ille et Vilaine est le plus concerné par ces retombées sous forme de nuage invisible.

Particules fines : notre santé en jeu

chiffrage : Santé Publique France – peinture : Extinction Rebellion – photo : Collectif Bretagne contre les fermes-usines

De nombreuses études établissent le lien entre présence de particules fines dans l’air extérieur et effets sur la santé.

Particules fines : quels sont les risques ?

Toutes les particules fines PM10 et PM2.5 sont toxiques pour notre santé.

Les particules fines PM10 entrainent au niveau du parenchyme pulmonaire des réactions inflammatoires et des micro-lésions qui sont le point de départ ou le facteur aggravant de nombreuses pathologies pulmonaires (infections virales ou bactériennes, BPCO, asthme, fibrose, pathologie tumorale…). Les PM2.5 agissent soit directement, soit en servant de « véhicules » à d’autres agents toxiques comme les métaux de transition, les quinones et aussi certains virus.

Ces PM 2.5, à partir des alvéoles pulmonaires, peuvent gagner la circulation sanguine et, de là, l’ensemble des organes de notre corps provoquant (ou aggravant) alors toutes sortes de pathologies dont le point de départ est très souvent « un stress oxydatif ». Ce « stress oxydatif » a des conséquences pathologiques propres à chaque organe, on trouvera ainsi de manière disparate et non exhaustive des artérioscléroses, du diabète, des maladies neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson), des troubles de la mémoire, des anxiétés, des naissances prématurées et des retards de croissances, des obésités infantiles, des cancers de la vessie.

Les résultats de la surveillance mise en place par Santé publique France montrent une association significative entre l’augmentation des niveaux de pollution tels que les particules PM2.5 et celle du nombre de décès. « 

Un cout humain et économique

« L’évaluation nationale du poids de la pollution par les particules fines PM2.5 en lien avec l’activité humaine est de 48 000 décès évitables par an. L’impact économique est estimé à près de 145 milliards d’euros / an.« 1

« Le scénario permettant d’évaluer le poids de la pollution en France est celui  » sans pollution anthropique « . Il évalue l’impact annuel sur la mortalité d’une situation dans laquelle aucune commune ne dépasserait le niveau de PM2,5 observé dans les 5 % des communes les moins polluées, soit 4,9 µg/m3. Cette évaluation nationale du poids de la pollution par les particules fines PM2.5 en lien avec l’activité humaine est de 48 000 décès évitables par an.L’impact économique est estimé à près de 145 milliards d’euros / an. »

1 : Santé Publique France, communiqué de presse de 2017. A noter que les valeurs guide OMS évoquées dans cet article ont évoluées depuis 2021 et sont désormais de 5 µg/m3.


Les éleveurs sont aussi concernés, notamment par une exposition chronique directe. Le port du masque leur est conseillé.

En plus de la toux et du nez irrité, les symptômes les
plus susceptibles de se développer pendant les tâches
sont les irritations de gorge et l’essoufflement.

Synthèse étude Air-éleveurs (Chambre d’Agriculture – Région Bretagne)

Investigation, analyse et infographie : Collectif Bretagne contre les fermes-usines


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Références, liens et remerciements

Air-Breizh : airbreizh.asso.fr

Collectif Plein air : dossier ammoniac et pollution de l’air

Splann ! : Bretagne : bol d’air à l’ammoniac

Santé Publique France – Pollution atmosphérique : quels sont les risques ?

Santé Publique France – Respecter les valeurs guides de l’OMS en matière de pollution atmosphérique

Santé Publique France – GAINS EN SANTÉ DE PLUSIEURS SCÉNARIOS D’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ
DE L’AIR EN FRANCE

Santé Publique France – RÔLE DE LA POLLUTION DE L’AIR AMBIANT DANS L’INCIDENCE ET/OU LA SÉVÉRITÉ DE LA COVID-19 EN FRANCE